Motion sur le Tibet

Cette motion du Sénat, proposée le mercredi 26 février 2020, vise à attirer l’attention sur les violations des droits de la personne graves et répétées du régime communiste chinois à l’encontre du peuple tibétain et, par conséquent, à exhorter le gouvernement canadien à agir plus résolument.

Texte de la motion sur le Tibet

Que le Sénat exhorte le gouvernement du Canada à soutenir activement l’autonomie véritable du Tibet et, par conséquent, à demander également à la République populaire de Chine :

a) de renouveler le dialogue sino-tibétain de bonne foi et sur la base de l’approche de la voie du milieu;

b) de respecter les droits religieux du peuple tibétain et de cesser toute ingérence dans le processus de reconnaissance du successeur ou de la réincarnation du 14edalaï-lama;

c) de respecter les droits linguistiques, la liberté de déplacement, de pensée et de conscience du peuple tibétain;

d) de libérer tous les prisonniers politiques tibétains, y compris le plus jeune prisonnier politique Gendhun Choekyi Nyima (panchen-lama), et de cesser toute détention arbitraire de dissidents;

e) d’accorder au Canada un accès diplomatique réciproque sans restriction au Tibet;

f) de protéger le plateau du Tibet qui sert de château d’eau pour l’Asie, et qui nourrit plus d’un milliard de vies en Asie;

Que le Sénat exhorte le gouvernement du Canada à soulever les enjeux tibétains en toute occasion avec la Chine en vue de prendre les mesures nécessaires additionnelles afin de réduire les tensions et de rétablir la paix et la stabilité au Tibet.

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

Contexte

Les libertés et droits fondamentaux – y compris la liberté d’expression, de religion, de déplacement et de conscience – sont gravement restreints et de plus en plus réprimés au Tibet.

Le Tibet, qui a été scindé en Région autonome du Tibet (RAT) et en 12 préfectures autonomes tibétaines, est dirigé par le Parti communiste chinois (PCC) depuis 1950. La Chine essuie encore des critiques quant à ses violations des droits de la personne dans la RAT et les préfectures.

Selon le rapport Freedom in the World 2017 de Freedom House, la Région autonome du Tibet a obtenu la pire cote possible tant pour les droits politiques que pour les libertés civiles.

Human Rights Watch (HRW) a aussi signalé que certaines des lois du gouvernement chinois sur la sécurité nationale et pour lutter contre le terrorisme facilitent la violation des droits civils en prétextant la protection de la sécurité nationale.

Cette motion vise à porter l’attention sur les violations des droits de la personne et à exhorter le gouvernement du Canada à soulever les enjeux tibétains avec la Chine à chaque occasion qui se présente afin d’aborder les restrictions croissantes limitant les libertés et droits fondamentaux du peuple tibétain.

En détails…

Plus précisément, cette motion du Sénat exhorterait le gouvernement du Canada à agir plus résolument envers la Chine afin d’appuyer l’autonomie véritable du Tibet sur ces aspects :

(a) renouveler le dialogue sino-tibétain de bonne foi et sur la base de l’approche de la voie du milieu;

Cela se traduirait par l’exigence auprès de la République populaire de Chine de renouveler le dialogue sino-tibétain sur la base de l’« approche du milieu » de l’autogouvernance et de l’autonomie prônée par le dalaï-lama parallèlement au cadre de la République populaire de Chine.

(b) respecter les droits religieux du peuple tibétain et cesser toute ingérence dans le processus de reconnaissance du successeur ou de la réincarnation du 14e dalaï-lama;

Même si le bouddhisme tibétain est pratiqué dans de nombreux pays comme le Bhoutan, l’Inde, la Mongolie, le Népal, la République populaire de Chine, la Fédération de Russie, les États-Unis et le Canada, le gouvernement de la République populaire de Chine a insisté maintes fois pour jouer un rôle dans la sélection du prochain chef spirituel tibétain, le dalaï-lama, en prenant des mesures telles que celles qui sont décrites dans les « Mesures sur la gestion de la réincarnation des bouddhas vivants et du bouddhisme tibétain » de 2007.

Le 19 mars 2019, le porte-parole du ministère des Affaires Étrangères de Chine a réitéré que « la réincarnation des bouddhas vivants, y compris du dalaï-lama, doit être conforme aux lois et réglementations chinoises, ainsi qu’aux rituels religieux et aux conventions historiques. »

Le gouvernement de la République populaire de Chine s’est ingéré dans le processus de reconnaissance ou de réincarnation des chefs bouddhistes tibétains, par exemple en 1995 lorsqu’il a détenu de façon arbitraire Gendhun Choekyi Nyima, un garçon de 6 ans identifié comme étant le 11e panchen-lama et qu’il a prétendu installer son propre candidat dans le rôle de panchen-lama. Le 14e dalaï-lama, Tenzin Gyatso, a émis une déclaration le 24 septembre 2011 où il explique les traditions et les préceptes religieux sous-tendant la sélection des dalaï-lamas et où il expose son opinion sur les enjeux et le processus entourant la sélection de son successeur. Dans sa déclaration, il réagit également aux revendications du gouvernement chinois voulant que seul ce dernier détienne le pouvoir ultime dans le processus de sélection du dalaï-lama. Dans sa déclaration, le 14e dalaï-lama affirme que seule la personne réincarnée a l’autorité légitime de déterminer où et comment il ou elle renaît et comment la réincarnation doit être reconnue. Il ajoute que, si un 15e dalaï-lama doit être reconnu, la majeure partie de la responsabilité repose sur les agents de la Fiducie Ganden Phodrang du dalaï-lama qui reçoivent les instructions écrites du 14e dalaï-lama.

Depuis 2011, le 14e dalaï-lama a à de nombreuses reprises réitéré publiquement que les décisions relatives aux successions, émanations et réincarnations du dalaï-lama relèvent exclusivement des croyants du bouddhisme tibétain.

(c) respecter les droits linguistiques, la liberté de déplacement, de pensée et de conscience du peuple tibétain;

Au cours des dernières années, les experts ont observé un resserrement du contrôle et des règlements de plus en plus rigides de la part du Parti communiste chinois à l’égard des libertés et droits fondamentaux du peuple tibétain, y compris ses droits linguistiques et sa liberté de déplacement, de pensée, de conscience et de religion.

La Chine a notamment mis en place des systèmes de surveillance très envahissants qui limitent les voyages et suivent les déplacements des personnes afin de contenir la dissidence.

Le rapport Freedom in the World 2017 de Freedom House énonce les restrictions imposées sur la liberté au Tibet et accorde la pire cote possible à la RAT tant pour les droits politiques que pour les libertés civiles.

Plus particulièrement, le même rapport recense une augmentation du degré de persécution envers les bouddhistes tibétains que Freedom House qualifie globalement de « très élevée. »

Bien que la constitution chinoise protège la liberté de religion de tous les citoyens, de nombreuses sources indiquent que des personnes ont été arrêtées, détenues injustement, forcées à quitter leur foyer et sont disparues en raison de leurs pratiques religieuses.

(d) libérer tous les prisonniers politiques tibétains, y compris le plus jeune prisonnier politique Gendhun Choekyi Nyima (panchen-lama), et cesser toute détention arbitraire de dissidents;

À chaque occasion, le gouvernement du Canada doit demander à la République populaire de Chine de libérer tous les prisonniers politiques tibétains et de cesser toute détention arbitraire de dissidents. Human Rights Watch (HRW) a enregistré 479 cas de Tibétains détenus ou jugés pour des « infractions politiques » entre 2013 et 2015.

Le Rapport mondial 2019 de HRW indique que les experts des droits de l’homme de l’ONU ont clairement constaté que nombre d’accusations portées contre des dissidents sont sans fondement et que, par conséquent, des prisonniers politiques sont détenus illégalement et sont torturés ou maltraités pendant leur détention.

L’un de ces prisonniers politiques est Gedhun Choekyi Nyima, identifié comme le 11e Panchen-Lama à l’âge de 6 ans, la deuxième plus importante figure du bouddhisme tibétain. Quelques jours après avoir été déclaré la réincarnation du Panchen-Lama, les autorités chinoises l’ont emmené en captivité ; il est le plus jeune prisonnier politique du monde.

Ce mois de mai marquera sa 25e année de détention.

           (e) accorder au Canada un accès diplomatique réciproque sans restriction au Tibet;

Cette motion encouragerait également la RPC à accorder au Canada un accès diplomatique réciproque sans restriction au Tibet.

De nombreuses sources révèlent que l’accès à des étrangers à la RAT est souvent refusé ou contraint en raison d’un objectif stratégique d’empêcher les efforts diplomatiques du Canada pour promouvoir les libertés et les droits de la personne universels.

Grâce à cette motion, le Canada exigerait un accès réciproque au Tibet pour ses représentants gouvernementaux en encourageant la République populaire de Chine à respecter les principes diplomatiques reconnus internationalement vis-à-vis de la RAT.

Le gouvernement canadien pourrait ainsi jouer un rôle important dans la promotion et la protection des libertés et des droits de la personne fondamentaux au Tibet.

            (f) protéger le plateau du Tibet qui sert de château d’eau pour l’Asie, et qui nourrit plus d’un milliard de vies en Asie;

Le plateau tibétain compte des glaciers, des cours d’eau, des prairies et d’autres caractéristiques géographiques et écologiques qui sont cruciales pour la croissance de la végétation et la biodiversité et qui régulent le débit et l’approvisionnement d’eau pour environ 1,8 milliards de personnes. Le réchauffement climatique menace les glaciers tibétains qui alimentent les principaux cours d’eau de l’Asie du Sud et de l’Est qui alimentent environ 1,8 milliards de personnes en eau douce.

L’augmentation des températures mondiales, en particulier dans le plateau tibétain où la hausse est deux fois plus importante que la moyenne mondiale, va entraîner un débit d’eau variable à l’avenir.

La construction au Tibet de grands barrages hydroélectriques voués en partie à acheminer de l’électricité à des provinces chinoises à l’extérieur du Tibet ainsi que d’autres projets d’infrastructures – y compris le chemin de fer entre la province du Sichuan et le Tibet – pourrait aussi entraîner la relocalisation de milliers de Tibétains et la transformation de l’environnement.

Les prairies tibétaines jouent un rôle important dans la production et le stockage de carbone. Les cours d’eau du Tibet favorisent les milieux humides qui servent de puits de carbone et qui sont cruciaux pour l’emmagasinement de l’eau, la qualité de l’eau, la régulation du débit d’eau, la santé de la biodiversité et la croissance des végétaux.

L’augmentation de la température et l’évaporation accrue peuvent influencer l’approvisionnement en eau, entraîner la désertification et déstabiliser les infrastructures du plateau tibétain et des régions avoisinantes.

Les pratiques traditionnelles tibétaines d’intendance des prairies, qui peuvent être essentielles pour atténuer les effets négatifs du réchauffement du plateau tibétain, sont minées par la relocalisation de nomades des prairies tibétaines.

La République populaire de Chine compte approximativement 20 % de la population mondiale, mais environ seulement 7 % de l’alimentation mondiale en eau. De plus, de nombreux pays d’Asie du Sud et du Sud-Est dépendent des cours d’eau provenant de l’Himalaya dans le plateau tibétain.

La République populaire de Chine a déjà terminé des programmes de transferts aqueux détournant des milliards de mètres cubes d’eau par année et prévoit en détourner de plus grandes quantités du plateau tibétain vers la Chine.

Que le Sénat exhorte le gouvernement du Canada à soulever les enjeux tibétains en toute occasion avec la Chine en vue de prendre les mesures nécessaires additionnelles afin de réduire les tensions et de rétablir la paix et la stabilité au Tibet.

 

Citation

« En tant que nation, le Canada est – et restera – un champion dans la lutte pour la démocratie, la liberté, les droits de la personne et la primauté du droit. Nous avons la responsabilité d’être aux côtés du peuple tibétain et de continuer à nous battre pour ses libertés et ses droits fondamentaux. »

– Sénateur Thanh Hai Ngo

 

Cliquez ici ou ci-dessous pour visionner l’avis de motion dans la chambre du Sénat. Vous pouvez aussi lire la transcription de la vidéo. Vous pouvez aussi lire la transcription de la vidéo dans les Débats du Sénat (séance du Sénat no 273) qui se trouve également en ligne.

Le jeudi 27 février 2020, le sénateur Ngo est intervenu au Sénat au sujet de sa motion. Cliquez ici pour visionner la séance complète du Sénat (nº 13) ou cliquez sur le lien ci-dessous pour regarder le discours du sénateur Ngo pendant les délibérations. Vous pouvez également lire la transcription de la vidéo ici.